08 - L âge tendre de l'Alpinisme

Le titre de ce chapitre peut surprendre. Car, si l’on a déjà entendu parler de l’âge d’or de l’alpinisme, voire même de l’âge d’argent et de l’âge de fer, il n’a jamais été formellement mentionné, qu’il y ait eu un âge avec un qualitatif si peu en accord avec le caractère viril de l’Alpinisme. Pourtant, cette période comprise, d’un point de vue de l’alpinisme, entre l’ascension du Mont Blanc par Mr Saussure et le début de l’âge d’or de l’alpinisme a durée près de soixante années (1) : soixante années durant laquelle l’esthétique de la montagne portée par le mouvement des romantiques a dominé longtemps sur les sommets et influencé l'alpinisme naissant. En tout cas, c'est une période qui nous apparaît suffisamment importante et significative pour qu’on s’y attarde.

Ci-dessus : Œuvre romanesque de la vallée de Chamouni réalisée par William Woollett en 1773 suivant une description détaillée de William Pars venu trois année auparavant suivant la tradition du "Grand Tour". On voit là le souci de donner une dimension féerique de la montagne, bien loin de la représentation effrayante de ses prédécesseurs. Noter horizontalité de la "Mer de Glace"  Subtile intervention de l'imaginaire de l'auteur et la représentation construite à partir des mots...

Si nous devions résumer comment voyons-nous cette période... Nous dirions que l'âge tendre de l'alpinisme est une période de maturité... Une période où la montagne dû d'abord être aimée, puis désirée, avant d'être conquise par des héros obéissants. Cet âge tendre, c'est donc l'âge ingrat de l'adolescence de l'alpinisme, c'est l'âge où l'alpinisme se cherche et se trouve suivant des déterminismes culturels de la société. Car d'une certaine manière, l'alpinisme n'a pas totalement choisi ce qu'il est devenu... 

  Ces explications données, nous allons à présent tenter de montrer comment l’iconographie et les prétextes de l’Alpinisme ont lentement évolués durant cette longue période, corollairement à de nouvelles aspirations « culturelles » des sociétés, toutes empreintes d’obsessions de grandeur et d’influence géopolitique. Ce pluriel valant pour les pays européens en rivalité économique et politique qui sont sur le point de s’engager dans une course effrénée pour étendre leurs possessions coloniales au delà des monts et merveilles des Alpes ; mais également d’une certaine manière dans les Alpes. (2). D’ailleurs, nous reviendrons sur ce parallélisme le moment venu. Rappelons seulement que l’Europe était en train d’achever l’exploration du globe et l’Angleterre commençait à revendiquer les premiers territoires austraux lorsque Monsieur de Saussure fit ses expériences au sommet du Mont Blanc ; sur cette sorte d’ultime territoire vierge du bout du monde, qu’il convenait d’explorer au nom de la connaissance scientifique. (On se souvient de ce couple fusionnelle qui a traversé l'histoire et le monde la main dans la main : La connaissance scientifique et l'exploration impérialiste).

Cette superbe gravure de Samuel Birmann datant 1826 et intitulée : Souvenirs de la vallée de Chamouni" montre une vue réaliste du point de vue du Montenvert même si pour la composition est idéalisé. Nous voyons une montagne qui se suffit à elle même pour séduire le lecteur. 

    La première observation que l’on peut faire, suite au voyage de Monsieur de Saussure au sommet du Mont Blanc, ce que plus tard on qualifiera de « conquête » , c'est que cet événement n’a pas tout bouleversé du jour au lendemain, loin de là. En effet, si l’on reconnait, en sus de celui de l’étude scientifique, un mobile alpin à l’ascension du Mont Blanc, l’objectif spontané, ne pouvait être autre que la prédominance métrique ; or d’emblée la route vers le plus haut sommet des Alpes, voire du monde pour les ignorants, venait d’être ouverte, aussi, comment se figurer que tout restait à faire alors qu’on pensait que l’ultime venait été accompli. Et bien que cela puisse surprendre aujourd’hui, suite au retentissement suscité par l’ascension réussie de M Saussure au Mont Blanc, il n’y a pas eu précipitation vers les sommets vierges des Alpes de moindre importance : la notion de première, donc de conquête, n’étant pas encore installée dans les esprits. Au contraire, les « exploits alpins » suivants se firent essentiellement sur les pentes du « Toit de l’Europe », et cela aussi longtemps que l’on n’inventa pas de nouvelles considérations à la prédominance, comme trouver à atteindre le plus haut sommet de chaque nation, de chaque massif montagneux, puis les plus élevés en fonction d’un jalon de mesure particulier, comme par exemple : les plus de 5000 yards (4572 m)… (3). Cependant, qu’on ne se méprenne pas, même si le Mont Blanc sera gravi ensuite presque chaque été, son ascension demeurera jusqu’au milieu du XIX siècle environ, une expédition coûteuse qui nécessitait de payer de nombreux porteurs et guides ; dépense que l’on ne pouvait raisonnablement pas envisager sans un mobile scientifique à la clé. Ce qui explique que les pionniers et les inventeurs de l’alpinisme furent pour la plupart, initialement, des hommes de science ; des hommes érudits et de bonne fortune à la fois (4).

Le glacier des Bois (Mer de Glace) et le Dru. Œuvre de Jean Dubois (1789-1849), peintre réaliste Suisse. A l’époque, ces monts étincelants semblaient inaccessibles et pourtant ils n’avaient pas encore l’allure de défi puisque seul le Mont Blanc, majestueux patriarche avec son allure débonnaire, intéressait les ascensionnistes. Ascensionnistes que l’on n’avait pas encore appris à nommer alpinistes.

    Maintenant, que nous avons vu où en était l'alpinisme et ses hésitations, oublions durant quelques décennies ces hommes de science et regardons ce qui a été produit par leurs contemporains, en particulier par les peintres de la montagne, œuvres plastiques qui vont souvent à l’encontre d’une certaine iconographie effrayante et héroïque de la montagne. Œuvres généreuses qui illustrent sans doute que la conquête des Alpes était également culturelle, pour ne pas dire au préalable culturelle et qu'elle a eu son influence sur la représentation de alpinisme. Oui, il faut oublier un petit peu les alpinismes, d'autant que le nombre de voyageurs venus au pays des glacières pour contempler la magnificence des Alpes, et en cas échéant pour gravir quelques proéminences à la vue spectaculaire, était infiniment plus important que le nombre des « véritables » ascensionnistes venus dans les Alpes, en particulier dans le massif de Mont Blanc. Autrement dit, le prétexte premier pour se rendre au pays des glacières a été le tourisme « contemplatif ». Tourisme qui a débuté, nous nous en souvenons, au milieu du XVIIIème, et qui s'est considérablement développé après la révélation de Mont Blanc dans les salons, grâce à l'ascension retentissante de Monsieur de Saussure. En tout cas, le tourisme contemplatif a été la cause première du développement hôtelier, autant que de celui du métier de guide, dans la vallée de Chamonix et d’ailleurs (5). Entre les « courses » classiques, l’un des attraits du voyageur « alpiniste » qui se rendait dans la vallée de Chamonix, était de « monter au Montanvers » et descendre marcher sur la « Mer de glace » ; Ou plutôt de s’aventurer sur cette fameuse « mer figée comme une ville ruinée d’un monde englouti ». On se doute que le nom « Mer de Glace », de son véritable nom : le Glacier des Bois, a assurément stimulé l’imaginaire et exercé une véritable fascination chez bien des voyageurs : du moins autant que les mots savent le faire.

Voyageurs au dessus de la mer de Nuage : Tableau du peintre romantique David Friedrich (1818) : Cette oeuvre métaphorique nous montre un voyageur immobile nous tournant le dos. Dominant le paysage, comme la flèche d’une chapelle montre ce dans quoi elle s’élève : l’immensité du ciel, l’homme, ainsi mis en scène, incite les spectateurs à s’arrêter devant l’œuvre, et à imiter cet inconnu qui médite. Cette œuvre majeure, illustre parfaitement la recherche d’émotions du voyageur et la rêverie qui en découle devant le spectacle de la nature. En réalité, David Friedrich connaissait mal la haute montagne et on ne lui connaît aucun voyage dans les Alpes, mais il a su montrer l’invisible mouvement de l’âme soumise à la splendeur de la montagne car pour lui, le vrai sujet est là : le doute existentiel révélé par la beauté.

   Il faut se souvenir qu’à l’époque de Saussure, l’essentiel des évocations du spectacle de la nature étaient manuscrites. Autrement dit, les images gravées ou peintes étant rares car très onéreuses à produire et à imprimer, le plus commode pour « montrer » la montagne, était de la décrire ou de la comparer avec quelque chose dont on avait déjà une représentation, fausse ou exacte ; ou mieux encore, de transcrire ce que chacun ressentait « au plus profond de son âme » devant « l’esthétique sublime des majestueuses cimes » (6). Cependant pour la clientèle cultivée et sentimentale ayant quelques moyens, un certain nombre d’eau forte et d’aquarelles, ont été produites ainsi que quelques œuvres « silencieuses » de peintres romantiques, auxquelles beaucoup de soins ont été apportés dans leur composition, afin qu’elles remplissent correctement leur office en fonction de l’activité de celui qui la donnait à rêver. Ce sont ces diverses œuvres que nous avons souhaité montrer comme des indices de la lente maturité de l’alpinisme pour celui de l’âge d’or.

La Jungfrau, le Münch et l’Eiger. Huile de d’Alexandre Calame. Ci-dessous la même représentation : aquarelle de 1822 par Gabriel Lory en illustration d’un ouvrage publié sur le nom de : Voyage pittoresque dans l’Oberland Bernois. (1784 – 1846).

    La plupart des œuvres sont très connues car ces peintures, ces aquarelles et ces dessins, assez rares en fait, illustrent les livres contemporains sur la montagne. Cependant, il nous parait important de remarquer que sauf rares exceptions, les représentations d’alors montrent la haute montagne au plus juste de ce qu’elle était alors (7), la mystification étant essentiellement symbolique, poétique, mouvement particulièrement démonstratif en écriture. En effet, pourquoi à l’époque où nous parlons, aurait-on montré d’emblée la montagne comme une ogresse caractérielle dévoreuse d’hommes (8) alors que ce sont les romantiques qui ont bouleversé la perception ancestrale de la montagne, mieux qui l’ont « imaginée » bouleversante en la comparant, entre autres merveilles, à des cathédrales naturelles (œuvre divine) car rien n’était plus beau et plus impressionnant qu’une cathédrale (œuvre humaine) (9).

Cette illustration, réalisée par Jean Dubois vers 1820 environ, montre un Chamonix « de rêve » où la nature était encore presque intacte. Nous pouvons découvrir à gauche les premiers hôtels, dont l’hôtel de Londres érigé en 1743 par les anglais pour accueillir une clientèle aisée ; et à droite le vieux bourg. Notons également que la rivière n’était pas encore « domestiquée », canalisée en un torrent tumultueux : Source : Wikimédia.


C'est autre œuvre peint par Jean Dubois (1789 - 1849), nous montre une vue générale de Chamouni où l'on devine les premiers hôtels construits pour accueillir les touristes venus découvrir la beauté des Alpes, révélé depuis peu en particulier les touristes de la nouvelle gentry anglaise.  On peut noter le réalisme de la gravure qui montrait les montagnes telles quelles étaient sans ajouter aucune fantaisie.

    Pour ne parler à présent que des représentations picturales, précédemment nous avons présenté les œuvres de Bourrit qui sont souvent de simples panoramiques topographiques remarquablement exacts du paysage et de la nature. Mais parfois le paysage était subtilement dramatisé pour invoquer la rêverie du spectateur face au paysage réel. Composant alors, le plus souvent par le premier plan et les couleurs, une allégorie complexe de la vie et de la verticalité du monde : où le proche serait le bas et le lointain le haut, avec tout le cortège métaphorique que cela porte, ou suppose, entre la douceur et le froid, entre l’ombre et la lumière, allégorie souvent portée par les montagnes puisque la lumière réelle vient toujours du ciel, alors que l’ombre semble toujours sortir de la terre. En effet, c’est bien sur le sol que se dessinent le plus nettement les ombres sous la lumière rasante de l’aube ou de la fin du jour. Ainsi, représentée sur une toile, il n’était plus besoin d’être dans le paysage de montagne ou dans la nature, pour être soumis à une subtile charge émotionnelle, dont il n’est pas toujours facile d’en avoir la clairvoyance. C’est aussi l’office de l’art. Au point que certaines compositions mettent le spectateur dans l’embarras, ne sachant pas exactement si c’est l’œuvre et sa brumeuse signification, ou si ce qu’elle représente de « vrai », c'est-à-dire le paysage, qui « amène l’âme à la tension la plus haute » : en supposant alors, que l’impression de solitude, d’écrasement et de petitesse, sera encore plus vive et plus pure devant la beauté de la nature véritable.

Œuvre de Friedrich (1825). L’absence de personnage au premier plan accentue l’impression de « vide », pas d’invite à la contemplation du « beau » comme chez ses contemporains, mais à une pénétration plus spirituelle du paysage, la forme chaotique du premier étant celle de l’âme.

    A partir du XVIIIème siècle, si la montagne un lieu de villégiature plus ou moins aventureuse, les gravures et les tableaux eurent d'abord le souci de montrer les Alpes comme elles étaient, ou comme un lieu d’enchantement face à sa nature grandiose et sa beauté unique. La « conquête » des Alpes a donc été d'abord esthétique comme le montre en particulier le peintre suisse Caspar Wolf à travers son œuvre remarquable (1735-1783) : Photographie de l’œuvre intitulée le glacier de Lauteraar : source Wikipédia.

Parmi les courses en montagne classique, l’ascension du Buet avait une bonne place : voyez comment était représentée cette ascension, bien loin d’une mystification effrayante en dépit du gouffre qui contribuait à l’impression d’absolue beauté de la montagne.

   Ce jeu entre l’imaginaire et le réel nous dévoile bien souvent les préoccupations de l’auteur en fonction de ce qu’il veut faire naître dans l’esprit du spectateur : la crainte, l’espoir, l’effroi, la prudence, l’admiration, l’émerveillement la compassion, la passion. En tout cas, sous une forme poétique, les peintres romantiques ont cherché à transmettre un message philosophique et spirituel, sans jamais tenter d’« héroïser » l’homme conquérant de la montagne. (10). Pourtant, peu à peu, le moi physique se substitua au moi spirituel, du moins prit de plus en plus de place dans le décor. Autrement dit, la représentation de l’homme en montagne le déplaça du bord de l’abime au premier plan du tout, et la montagne reprit son ancien rôle de grande dangereuse. On se permit même de corriger le passé comme si on avait eu conscience après coup que l’ascension d’un grand sommet comme le Mont Blanc avait été en réalité un acte de conquête, donc un acte héroïque : ces hommes, n’avaient-ils pas affronté l’inconnu, les esprits mauvais et les êtres fantastiques des légendes, lutté contre la fatigue, le froid et l’effet de l’altitude qui ressemblait fort à l’emprise progressive de la mort.

Cette gravure souvent présentée comme illustrant le voyage de Monsieur de Saussure à la cime du Mont Blanc a été gravé en 1860 suivant une composition plus impressionnante que les illustrations de l'époque. Il suffit de compter le nombre d'ascensionnistes pour découvrir qu'il y a trop. (A t-il fallut une telle armée de valeureux armés de pic pour vaincre le Mont Blanc. Non bien sure puisque la majorité des participant en réalité étaient des porteurs.  A partir de cette époque, la crevasse est devenue le symbole de la bravoure de l’Alpinisme face aux dangers durant l’ascension des montagnes. Si nous regardons  à présent l'illustration ci-dessous dessinée par Bourrit  60 ans auparavant, en dépits de la présence de la crevasse, rien ne semble dénoncer le danger.   La conscience de l’alpinisme, fera de Saussure un véritable alpiniste de « conquête » bien des années après sa prodigieuse ascension du mont Blanc à l’instant même où les lithographies, le représentant et illustrant son « exploit, » seront retouchées pour une posture plus avantageuse pour le héros.


Sur la gravure originale qui sera plus tard  refaite, l'on peut voir le pauvre Monsieur Saussure sans doute très fatigué assis sur une courte pente se laissant glisser vers une petite crevasse qu'il franchira solidement encadré par ses guides avec une échelle mise à plat. 

Ca sera désormais la gravure retouchée qui servira à illustrer les récits de la première ascension du Mont Blanc par monsieur de Saussure.


Ci dessous, voici un aperçu du récit publié en 1814 racontant d'un ton précieux la montée " au sommet du Montenvers " par l'Impératrice Joséphine effectuée en 1812. L'intégralité de cette œuvre ainsi que ceux cités dans cette étude sont consultables intégralement sur le site Gallica de la BNF.

 A partir du milieu du XVIIIe les œuvres réalistes seront de plus en plus rares. Le réalisme revenant plus tard avec l’invention de la photographie. A l’approche de l’âge d’or de l’alpinisme, en fait de son invention effective, la crevasse devint le symbole de l’audace, du danger, en somme de l’alpinisme ; et non plus comme un mouvement de la nature propice aux interrogations métaphysiques. Les vues seront de plus en plus impressionnantes, de plus en plus fantastiques au point de s’éloigner du réel, dès lors on parlera de « bravoure » et de « conquête ». Cette nouvelle mystification est attribué à son précurseur, l’Alpiniste anglais Albert Smith qui montra l’ascension du Mont Blanc suivant une nouvelle représentation, même celle de Saussure qui devint 60 ans plus tard, un « conquérant » avant toute considération scientifique. A partir de là, la rupture devint nette entre l’exploration scientifique, le voyage romantique sur les glacières et l’alpinisme de conquête (12). Quand bien même subsistera malgré tout un alpinisme romantique autant qu’un alpinisme scientifique…

A partir de cette époque, la montagne trouvera une nouvelle forme de mystification. Ci-dessus, Le Grand Mulet vu par Albert Smith. Il connaitra le succès en mettant en scène « son ascension » du Mont Blanc en 1851 : la quarantième… On comprend dès lors, les déclarations de son compatriote John Ruskin, peintre et poète, présent alors à Chamonix : « Vous avez méprisé la nature, c’est-à-dire toutes les sensations profondes et sacrées qu’éveillent les paysages. Les révolutionnaires français ont fait des écuries des cathédrales de France ; vous avez fait des champs de courses des cathédrales de la terre… Les Alpes elles-mêmes, que vos poètes ont aimées si pieusement, vous les considérez comme des mâts de cocagne dans des arènes d’ours auxquels vous vous mettez en devoir de grimper, puis que vous redescendez en poussant des hurlements de joie. Lorsque vous ne pouvez plus hurler, n’ayant plus de moyen humain pour exprimer votre jubilation, vous remplissez le silence des vallées par le fracas de la poudre, et vous rentrez chez vous, rouges d’une éruption de boutons d’orgueil, et si heureux que vous hoquetez convulsivement de vanité satisfaite ».

La crevasse : une œuvre charmante mais oh combien "mensongère".

Nous découvrirons bien des similitudes entre toutes ces représentations fantastiques de la montagne, en particulier dans la représentation d'Henriette d'Angeville franchissant un pont de neige lors de son ascension remarquée du Mont Blanc, qui fera-d-elle, la pionnière d'un nouvel alpinisme, celui pour le plaisir. Voir l'épisode suivant : Précurseur de l'Alpinisme contemporain.

Cependant bien des contemplatifs, en particulier John Ruskin regrettent l’activité exploratrice de son temps, reprochant aux explorateurs alpinistes de ne voir, en ce lieu de pureté, qu’un terrain propice à l’exercice physique. Pire, de transformer les montagnes en mâts de cocagne qu’on s’empresse de monter et descendre sans voir sa gloire. Combien diront, en substance, que pour retrouver le vertige des hauteurs, le sublime des lieux, il convient d’abord de s’en éloigner. Cette controverse subsistera longtemps, même dans le camp des alpinistes contemplatifs, envers les coureurs de sommets à la recherche de la gloire.

Extraits du récit du voyage de l’impératrice Marie-Louise sur la mer de glace en 1814 – « Un sentier presqu’à pic nous conduisit sur cette mer… pour voir de plus près ses grandes vagues immobiles. Nous l’y suivîmes, armés de nos cannes ferrées, en franchissant les crevasses… et en côtoyant celles qui étaient infranchissables. Quand nous passions au pied de quelque gigantesque colonne de glace… toute grande impératrice qu’elle était… nous nous trouvions réciproquement bien petits ».

 

NOTES :