2018 - Un Jaune à la Drei Zinnen

   Réflexions autour du circuit jaune. Sont-ils tous conçu pour l'initiation ? 

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 IL Y A QUELQUES TEMPS, peut être à cause de mon dos devenu courbe comme un espace temps sous l'effet de la masse pesante d’un bel embonpoint en train de déformer mes tissus abdominaux, j'ai découvert ce qu'était la détresse du vieux grimpeur face au quatre supérieur devenu avec le temps rétif à ses membres. Et comme je sais en regardant mes vieux camarades tenter un levé de pied à hauteur de leur genoux que cette calamité allait aggraver mon impression de pesanteur, j'ai d'un coup pris conscience que ça n'allait pas être joyeux du côté de l'escalade bleausarde dans l'avenir.

        Bien obligé d'être pessimiste quand je vois comment mes vieux frères d’infortune perclus de douleurs arthrosiques ont déjà peine à trouver blocs à leur pied. En effet, une évaluation rapide des possibilités offertes par le terrain pour grimper montre qu'elles se réduisent comme peau de chagrin au fur et à mesure que leur handicap s'aggrave à collectionner les ans. En effet, et vous n'en avez peut-être pas conscience, mais le terrain de jeu propice à ces vieux voyageurs du temps équipés de rotules grippées sont les circuits jaunes. Ces fameux circuits d’initiation pour les jeunes recrues qui s'avèrent être davantage utilisés par les anciens perclus de fatigue musculaire. Or, la majorité des circuits jaunes est désertée parce qu'en mauvais état ou inadaptée à une pratique ludique : soit six circuits sur dix abandonnés des grimpeurs d'après un recensement minutieux effectué en 2015.

        Il peut paraître singulier de prétendre que ces fameux circuits jaunes créés pour le bonheur des débutants des années joyeuses, à écouter leur légende, s’avèrent en réalité et depuis longtemps d’abord servir aux vieux montagnards en perte de souplesse. Car nous sommes bien d’accord, mon ami Pascal nous l'a confirmé par une note bienvenue (1), les circuits jaunes ont bien été créés au prétexte d’initier à l’escalade les jeunes travailleurs et étudiants des années soixante-dix et quatre-vingt, et en aucun cas en pensant aux aïeux qui pourtant les ont toujours utilisés avec une fidélité admirable, au contraire de cette jeunesse dynamique qui en général ne traîne pas dessus. Ne nous aurait-on pas dit toute la vérité, rien que la vérité ?

        Personne n’a menti, c’est juste qu’à un moment, certains circuits jaunes que l’on crut avoir été créés pour l'initiation, ont été en réalité fait suivant le modèle circuit montagne pour satisfaire les besoins sportifs de ceux qui les ont créés. Mais comme c'était dans l'air du temps, comme un réflexe culturel dès lors qu'on les peignait "en jaune" et qu'il y avait quand même toujours quelques lignes débonnaires accessibles aux débutants, on disait de chacun des circuits jaunes créés, qu'ils l'ont été à l'intention des débutants. Suis-je en train de blâmer les anciens qui ont fait des circuits « jaunes » trop « sévères » pour l’initiation, de dénoncer une imposture ? Certes non. Ils avaient parfaitement le droit aussi d’équiper le terrain bleausard de ces circuits là puisqu'ils satisfaisaient les besoins sportifs de nombreux grimpeurs en plus de ceux des créateurs (1 bis). Bref, quoi qu’ils ont comme circuits jaunes, ils ont fait pour tous : pour eux-mêmes et leurs semblables, et souvent en plus, réellement pour les débutants. Et l’imposture serait de prétendre aujourd'hui qu’ils ont été tous créés pour l’initiation alors qu'on sait que les circuits jaunes ne sont pas tous adaptés à l'initiation. Il est important de faire le distingo, pour savoir à qui s’adresse les circuits jaunes : aux débutants réels ou aux grimpeurs qui ont de la bouteille ?

    La nécessité faisant loi, comme je savais que personne ne s'en occuperait, avec l'aide de quelques amis, je me suis intéressé à certains circuits jaunes et orange délaissés depuis longtemps, des circuits qui pouvaient être amendés (2). Certains observateurs qui étaient aussi des utilisateurs nous ont encouragé, nous ont pris pour des bien-faiseurs (j'allais écrire bienfaiteur, le bougre), alors que d'autres, s’adressant heureusement uniquement à moi, m'ont pris pour un imposteur qui ne fait rien d'autre que de refaire les circuits à sa convenance lorsque qu’ils ne me plaisaient pas. Ou encore pour un acharné du pinceau qui s’amuse à collectionner les circuits comme d'autres des blocs ouverts par eux qui les étalent comme des trophées sur la place publique. Un autre encore pour me demander si je ne m'amusais pas tout simplement de défaire l'œuvre de la FSGT ! (voir note 1) (Voilà, une preuve accablante que je suis bien un adversaire de la FSGT).

    Que faire aux contacts de ces interprétations décourageantes sur notre travail ? Jeter mes brosses et mes pinceaux pour ne plus déplaire à truc et à machin, pour éviter qu'on vienne m'accoster et s'entendre dire que ce que j'ai fait, ici et là, c'est n'importe quoi ! Mais abandonner, c'était aussi renoncer aux bisous tendres sur mes joues venus des lèvres délicates de mes admiratrices encore fidèles et qui savent apprécier les bons plats et les grattons tout chauds que je leur sers, prises en main. En clair renoncer à cette adorable reconnaissance douce à mon épiderme avec frissons de plaisir quand je vois les sourires de plaisirs des gens heureux de parcourir nos circuits (3). Car il se trouve qu'il y a des gens très contents et qui sont bien plus nombreux que les bruyants contradicteurs. Ce que je suis aussi en train de dire, c’est que si les grimpeurs aux cheveux blancs veulent avoir une chance que les circuits jaunes et oranges qu’ils utilisent perdurent, il faut qu’ils payent de leur temps libre au lieu de bailler devant la télévision conçue pour les empêcher de bouger leurs fesses. Il faut même en profiter, car ce n’est pas souvent que l’avenir de quelque chose, repose sur les épaules des retraités, il se trouve que personne n’a envie de le faire pour eux.

    Nous avons bien conscience, que l’on ne peut pas reprendre tout de notre propre chef et à notre propre compte (ça nous coûte cher), il faut en laisser aussi aux futurs retraités impatients d’en découdre avec la mousse et leur envie de rénover les circuits abîmés. Car à mon sens si quelque part l’altruisme existe à Bleau, où l'on peut être certain que l'on fait pour les autres, c'est bien dans la maintenance de circuit, à plus forte raison quand on ne les a pas soi-même créés...

    Comme vous l'avez compris, nous avons eu des découragements, on a juré en crachant par terre : «On arrête les frais, finies les douleurs à l'épaule à force de brosser, fini de donner à ceux qui ne nous supportent pas, des raisons de nous pourrir ». Mais voilà, comme des drogués que toutes les invectives ne sauraient rendre raisonnables, quelques semaines plus tard en voyant une nouvelle possibilité se dessiner sous nos yeux, on se dit : « Allez encore une petite dernière ! Après juré, on arrête, et vive la paix retrouvée ! ». Oui, après, le circuit fictif de Bois Rond, la création du circuit violet de la Canche, et notre intention de ne plus rien faire, voila qu'à nouveau nous avons sorti les brosses et créé en un rien de temps un simili circuit jaune à la Drei Zinnen quasi parallèle au circuit orange.

 C'est qu'on y tient à valoriser ce site. Il ne lui manquait justement plus qu'un circuit jaune. Les maîtres d’œuvre sont des piqués du rocher neuf dont je ne montrerai pas les noms. En tout cas, voici une œuvre généreuse à découvrir absolument, chausson au pied, propre comme un soulier neuf, car c’est fou le nombre de gens qui grimpent salement aujourd’hui. Le tapis brosse c’est dépassé, nous dit-on… 25 passages de niveau jaune à rosissant, plus deux ou trois plus coriaces mais pas assez pour qu’ils ne trouvent pas leur place dans ce projet de piste qui risque évidemment de ne pas voir le jour... Voir l'article " non signé " du Cosiroc publié sur l'un de leurs sites pour se rendre compte qu'on n'est pas près de voir une gestion collective planifiée avec une vision à long terme... (4). Un dernier mot... Pas d'accord ! Ce que nous faisons depuis trois ans est paisible, raisonnable et nécessaire...

Pépito, le 10 octobre 2018.

Notes

    Aujourd'hui, soit deux années plus tard, nous pouvons lire sur TL2B : « …on ne peut pas se réjouir comme vous le faites, de ce nombre des entretiens et créations. Vous écrivez vous-même que « 30 circuits ont été entretenus et rénovés » . C’est vrai. Mais pour bon nombre d’entre eux nous pouvons ajouter en toute illégalité puisque sans autorisation du gestionnaire ! Passons sur les entretiens et modifications mineures et évoquons seulement les créations non autorisées par l’ONF. C’est le cas dans les Gorges d’Apremont, à la Canche aux Merciers, au Drei Zinnen, à Franchard (cuisinière, hautes plaines, sablons), au Calvaire, etc !

    Ce qu'il est en train de ce dire là : c'est que nous aurions créés des circuits dans les massifs en gras ici, sans autorisation et ce qui revient à dire  ce que nous avons fait est illégal ! Et il y a plein de gens prêt à le croire... C'est fou, les amis que nous avons, nous les peintres en piste !

Une sortie de piste via le 2 orange situé jusque à droite du 2 jaune.

Louan est aux prises avec la fissure du 4 jaune. Mais Papa Vieille au grain.

Il y a foule au 3 bis jaune qui finalement n'y restera pas.