L'art du schéma-1
Sébastien Frigault et Jean-Jacques Naels
La technique et la technologie.
Les schémas : la méthode de mise en œuvre.
Dans le topo sur les escalade à Fontainebleau Sept à Plus réalisé avec Sébastien Frigault nous avons cru bon expliquer notre méthode d'élaboration des schémas, à la fois pour vanter notre sérieux et démonter qu'en procédant ainsi notre travail était forcément au plus proche des réalités du terrain... Voici un extrait du texte traitant des schémas :
Comme les utilisateurs, le plus précieux service que nous demandons à un topo-guide, au-delà de celui de recenser les voies d’escalade existantes, est qu’il soit suffisamment précis pour nous permettre de les trouver sans encombre. A plus forte raison lorsque les lignes que nous recherchons sont dans des lieux que nous connaissons mal ou pas du tout. Aussi comme auteur, nous ne pouvions honnêtement pas faire autrement que d’assumer cette exigence de lecteur...
Pour conduire le grimpeur aux blocs convoités, il y a plusieurs moyens : lui donner pour chaque voie, une description littérale de positionnement ; et pourquoi pas lui donner les coordonnées géographiques du GPS, mais il nous a semblé que pour permettre aux grimpeurs de trouver les voies qu’ils désirent parcourir, il n’y avait encore pas mieux que le relevé topographique des blocs comme vus du ciel, à condition cependant, que les relevés aient la précision d’une carte, d’une moins proche de celle d’une carte.
Mais avec les seuls attributs traditionnels du petit cartographe amateur que sont : la boussole, les feuilles de papier, la gomme et le crayon, parvenir à aller au-delà de la simple représentation patatoïde des blocs qui ne consiste souvent qu’à pointer l’emplacement des lignes par rapport à quelque chose de bien souvent mystérieux, et également arriver à représenter à l’identique les blocs exactement là où ils sont dans la nature, nous semblait être du domaine de la promesse électorale : un truc toujours en dessous de ce qu’on attend !
Effectivement, sans moyen de se poser du côté des nuages pour dessiner les blocs, on devine que c’est une grosse difficulté de faire des représentations aériennes rigoureuses. Et pourtant nous y sommes parvenus avec une marge d’erreur très raisonnable : d’une poignée de mètres pour la comparer au nombre de doigts de la main.
Pour arriver à ce résultat, quelle fut notre méthode d’élaboration ?
D’abord une idée, une sorte de contrat moral : ne jamais se contenter d’un travail de bibliothécaire, calquer ce qui existe déjà, réutiliser nos vieux documents comme tels sans de nouveau aller sur le terrain pour les contrôler. Et nous avons bien fait car c’est fou le nombre d’erreurs et d’approximations que nous y avons trouvées. En réalité, si notre but fut d’abord de découvrir les erreurs des précédentes publications, nous nous sommes vite rendu compte que les approximations des vieux schémas, seulement perceptibles si on les cherche et sans véritable gêne pour le grimpeur dans bien des sites, étaient un véritable problème pour s’orienter lorsque les blocs sont disséminés.
Devant cette difficulté, nous nous sommes tournés vers les technologies modernes à savoir l’utilisation du GPS conjugué à internet. Puis après quelques tâtonnements pour exploiter au mieux les ressources de cet appareil étonnant, nous avons réussi à organiser une nouvelle méthode de travail pour revoir l’ancien et effectuer le nouveau au plus précis. Méthode qui ne s’avérait applicable qu’à partir de la réalité du terrain, d’où un travail obstiné sur plus de deux ans. Effectivement cette mise en œuvre a l’inconvénient de demander énormément de temps, et il vaut mieux avoir la chance de résider à proximité du « Grand Fontainebleau » pour avoir la capacité de faire les relevés de blocs de chaque massif, en particulier lorsqu’il s’agit de voies encore inconnues et présentées nulle part.
Ce qui implique, qu’auparavant et pour chaque site, nous avons d’abord dressé la liste des voies que nous aurions à présenter en distinguant autour des lignes maîtresses ce qui est de l’ordre des variantes et des combinaisons d’itinéraires lorsqu’il y en avait, en privilégiant toutefois lorsque nous le pouvions, l’ordre d’apparition des lignes. (Ce travail a été en partie possible grâce à divers médias et les renseignements de quelques amis grimpeurs : voir nos remerciements). Puis nous sommes allés sur le terrain : d’une part pour travailler sur les relevés en prenant garde d’orienter le document de travail toujours au nord, relever les coordonnés GPS des blocs les plus représentatifs, et enregistrer la trace de chaque sente à faire apparaître en réplique sur les schémas ; et d’autre part, de formuler de visu les renseignements sur les lignes ".
Une fois les relevés terminés, dont certains nous ont demandé plusieurs déplacements, nous avons importé les données de notre GPS sur Google Earth ce qui nous a permis de retrouver nos pointages et la trace de nos déplacements sur une vue aérienne de très bonne définition.
Ensuite, nous avons copié l’image aérienne de Google Earth pour la coller sur un logiciel de dessin sur lequel nous avons également importé nos relevés de blocs préalablement scannés. Là, il ne nous restait plus qu’à calquer les contours des blocs en les positionnant suivant les coordonnées GPS que nous avons récoltées afin d’obtenir un fond de blocs vierge sur lequel nous avons ajouté l’emplacement des voies présentées, ainsi que toutes les autres données nécessaires aux utilisateurs, tels que les numéros du circuit référent, les chemins, les routes et sentiers de randonnée, ainsi que l’échelle de grandeurs...
Une fois la carte marquée, nous obtenons un schéma assez précis sans que cette qualité transparaît vraiment... On peut noter que les blocs sont dessinés plus gros qu'ils le sont en réalité.
" Le schéma est un relevé approximatif de ce qu'on voit de travers... "
Comme nous venons de le dire, le relevé des blocs se fait du sol en cherchant à reproduire sa forme en tournant autour des blocs ou en montant parfois dessus, et cela tout en cherchant à imaginer comment sont agencés les blocs comme on le verrait en élévation, autrement dit comme si notre esprit était capable de flotter comme un drome au dessus des chaos rocheux. C'est dire que le relevé sera approximatif même s'il l'on cherche à reproduire au plus exacte de la réalité. Nous pouvons voir sur la photo ci-dessus un aperçu du travail après le pointage et le report sur google map des points GPS situant les principaux blocs repérés, le travail de positionnement des chaos de blocs afin d’avoir un schéma globale d’une assez bonne précision « spatiale » et réaliste du site.
A noter que la trace des déplacements de l’opérateur permettent aussi de faire figurer les principales sentes entre les blocs. Et si on regarde un peu de près, cette même illustration nous permet de voir que les blocs sont représentés plus gros que réel, d’où l’extraordinaire coïncidence quand les schémas d’auteurs différences apparaissent remarquablement semblables. L'on constate aussi qu'une vue aérienne même précise sur google ne permette pas de calquer les chaos de blocs. Ce qui signifie, qu'il faut lâcher la souris... a moins déjà dans ses archives un relevé d'un autre qui peut faire l'affaire...
En effet, cette méthode de calquer des photos aériennes ne peuvent se faire qu’avec des photos aériennes de hautes définitions. Comme nous le rappel Oleg, l’auteur du relevé du circuit jaune du Cul du Chien publié dans le topo Arthaud de 1982 page 184. « Le relevé des circuits et surtout le schéma a été effectué à partir du négatif d’une photo aérienne, type IGN mais prise plus bas que les classiques, à la limite de netteté de la mise au point de la chambre d’exposition (toujours type IGN et servant aux validations d’autorisation de vol des avions affectés à cette activité). Ceci en 1978 et début 1979 par un bleausard, pilote d'essai de très haut niveau, Claude Chautemps pour ne pas le citer (que j’ai tanné pendant plus d’un an à ce sujet et qui a fini par craquer, avec amitié et un grand clin d’œil et un grand sourire plein de colophane). Si les fiches circuits que j’ai réalisées ont pu être réalisées, c’est en grande partiel grâce à lui. (Le GPS d’alors, c’était le bonhomme, et « l’impression » c’était le Rotring. Et oui ! j’en ai fait pas mal et sans moyen informatique !). Et malgré la qualité des photographies, comme il n’était pas toujours facile d’identifier les blocs nécessaires au schéma, Oleg dû à chaque fois se rendre sur le terrain pour reconnaître les blocs des photographies à leur forme, car on voyait aussi bien les rochers à fleur du sol que les hauts. « Si l’on admet que les erreurs de parallaxe, dues à certaines incidences pas très verticales, sont peu importantes (erreur au maximum de l’ordre du demi-mètre) les schémas réalisés ne semblent pas trop déformés par rapport à la réalité. Sauf, et là c’était le boulot du dessinateur, le raccourcissement des distances réelles entre les groupe de cailloux, en particulier pour le Cul de Chien, ceci pour rentrer dans les limites de l’épure qui m’était impartie ». Plus loin, Oleg précise, sans qu’on ai en douter, que la très grande majorité des schémas publiés dans Paris Cham et ailleurs, de la Domaniale, des Trois Pignons à la Commanderie ont été réalisé ainsi et avec l’aide de son Rotring ».
Les topotistes aujourd’hui doivent beaucoup à son travail. Et Oleg, artisant de nombreux relevés, ne manque de le faire observer et au passage de se moque à peu de ceux qui utilisent un gps, dont je fais parti. Cependant, même avec cet instrument, le travail de relevé reste artisanal et requière un " bon pif "... J’ai effectué aussi beaucoup fait de relevés de blocs. Les premiers, il y a plus de trente ans en me servant du soleil comme repère d'orientation, d’où le décalage un peu « tournant » de mes premiers schémas, mis au propre également à la plume et au transfert. Certains ont même été publiés dans Paris Cham, même dans le premier guide des escalades à Bleau édité chez Arthaud.
Seb Frigault et J.J Naels