2018 - L'art du schéma-2
Vol au dessus d'un chaos de blocs.
On ne peut rien cacher à ceux qui savent tout et mieux que personne... J'ai découvert il y a peu un article comparatif sur la provenance des schémas topographiques que l'on découvre sur les topos Anglais, Hollandais et Français (Curieusement, les topos Allemands ont échappé aux comparatifs). Cet article est passé semble-t-il inaperçu à sa sortie malgré l'intérêt de sa démonstration et sa généreuse conclusion. Mais en même temps, on peut se demander qui veut bien s’intéresser à ce sujet à part des spécialistes ? En effet, bien que l’on peut en être obscurément sensible, qui s’intéresse par exemple à la peine et au talent du paveur qui a façonné l'une de ces nombreuses allées de pierre qui serpentent les vieux villages de montagne que nous aimons arpenter ? Les schémas ornent les pages topos et on les regarde discrètement comme on regarde tant de choses qui sont là, on ne sait comment ni grâce à qui. Mais, il arrive parfois que l’acuité et le sens de l’observation d’un passant, nous invite avec son doigt à regarder avec attention les détails du paysage qui nous aurait échappé sans lui, en l’occurrence les angles et les courbes du dessin des pavés. C'est un peu ce que a provoqué en moi l'article, de Francois Louvel sur les schémas dit « pompés », publiée sur son site web : BLO.
On peut dire qu’aujourd’hui, un topo sans de beaux schémas pour l’égayer, il ne serait donner envie de s’arrêter sur ces pages avec l'intention de se projeter dans la réalité de ce qu'ils sont censés représenter. Je croyais reconnaître mieux que personne, la forêt à travers ces ronditudes dessinées, car rares les fois où je n’arrive pas à me projeter dans le réelle de ces simples représentations. Sitôt que j’ai identifié un chaos de blocs, je le vois en photographie devant moi. Grâce aux schémas, c’est comme si j’avais mis Bleau sur du papier pour l’emporter avec moi partout où je vais. Ce qui ne m’empêche pas de m’y perdre avec tout ces Bleau mis en cercueil de papier. Je dis bien cercueil car qu'est-ce qu'est d'autre un livre, qu'une sorte de boite où est enfermé des souvenirs, du moins des choses à se rappeler et à retrouver. Oui, je disais, si je me perds un peu, par contre l’auteur de l’article, dont je veux vous faire part ici, semble se retrouver parfaitement dans les divers topos. Et d’emblée il nous dit « dans l’image ci-dessous vous pouvez voir en surcouche le topo du cosiroc (l’original) et le topo de Jingo... ». Pour conclure vu la remarquable similitude des représentations superposées que « pas de doute il y a bien eu « pompage » du dernier sur le second et que : « ce n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres ».
Puis l'auteur du comparatif se rattrape en disant que : « le topo de Jingo apporte en d’autres endroits précisions et compléments utiles aux topos d’origines ». Dommage qu’il ne démontre pas cette dernière affirmation, puisque, il était bien parti pour nous faire une démonstration irréprochable des antériorités (1). Mais cependant concède que pour certains autres topos : « il n’y a pas eu pompage pur et simple », mais que : « les topos antérieurs ont vraisemblablement servi de base pour le suivant ». L'auteur veut dire par là, que le topotiste « pompeur » a effectué quelques retouches et complété de quelques blocs avant de le publier.
Trois exemples sont présentés. D’abord une comparaison entre le topo de Bart 7+8 et mon vieux Bleau, Jardin Public, sur la Roche aux Sabots...
Ensuite, pour Cornebiche, entre un topo du Cosiroc téléchargeable sur leur site et un topo de téléchargeable sur TopoBleau...
Et enfin au Cul du Chien, toujours entre un topo du Cosiroc et « Au Grès des Trois Pignons ». Mais précise « que le pompage pour le 3ème, n’est pas évident, mais curieusement le même bloc en trop apparaît sur les 2 topos (entre les 27, 28 et 29) ». Ce qui signifie qu'en fait il y a bien eu pompage puisque les deux auraient dessinés au même endroit un bloc qui n'existe pas, une coïncidence improbable donc suspecte.
Qui aurait impunément « pompé » l’un sur l’autre ? Tous ! Certains ! Rien n’est précisé ! Mais y a-t-il vraiment eu pompage systématique des uns sur les autres pour chacun des exemples ? La réalité n'est pas forcément conforme à l’a priori de l’auteur qui le conduit à dire : « qu’il serait tout de même stupide de repartir de zéro, sans s’aider des topos existant ! ». Sans doute, qu'il y a du vrai là dedans, cependant peut-il honnêtement affirmer « que son site BLO propose et donne les moyens de création d’une œuvre libre », en donnant l’autorisation de « pomper ». A qui donne-t-il l'autorisation ? Non pas aux topotistes puisqu'ils le font déjà depuis toujours à en croire sa démonstration. Déjà à lui-même sans doute, puisque, à ma connaissance, il n'a effectué que deux ou trois relevés originaux sur des centaines qui circulent. Ce qui signifie qu'il nous offre tout simplement ce qu'il ne lui appartient pas.
Cela dit, sachant qu’un relevé au plus exact se fait, boussole en main et en estimant au pas les distances ; sachant que le dessinateur doit tourner autour des blocs, et parfois monter dessus, et qu'il doit imaginer la vue qui aurait de l’amas de bloc s’il flottait au-dessus pour le représenter sur sa feuille ; sachant également que pour les sites vastes comme celui du Cul du Chien, l'arpenteur est obligé de comprimer les distances entre blocs pour faire tenir l'ensemble, parfois même grossir relativement les blocs pour pouvoir pointer toutes les voies qui sont dessus, on peut être surpris que deux relevés fait à l'estime d’un même lieu puissent être fidèlement identiques. S’il l’est, il apparaît évident que l’un des éditeurs de relevés à calquer le travail de l’autre. Imaginer deux artistes en train de « croquer » le même visage ou le même paysage, pensez-vous que les dessinateurs auront le même dessin en final ? Qu’il y a ressemblance entre les œuvres et l’objet croqué, à espérer que oui, mais qu’il y ait une parfaire similitude entre eux alors que les chances que cela soit le cas pour à chaque dessin sont très minces. Surtout que pour un chaos de blocs, c’est encore plus difficile à reproduire qu'un portrait puisque une partie des blocs sont toujours cachée à l'artiste…
C'est écrit clairement : PLAN ET INFORMATIONS... sont de ceux qui ont produit le document, ce qui sous entend qu'ils sont auteur du travail du relevé de blocs représenté. Et la précision de leur travail est-elle que le schéma est identique à celui que l'on trouve en ligne sur le site du cosiroc, l'auteur inconnu ou ignoré de ce dernier travaillant aussi bien qu'eux.
En effet, les deux relevés de blocs sont similaires si les documents sur lesquels ils apparaissent ne sont pas des mêmes auteurs. Il faut être sacrément curieux pour s'amuser à comparer le travail de chacun.
Cet exemple montre deux choses : la première est l’on peut utiliser un ensemble de relevés de blocs dans un ouvrage sans que l’auteur soit concrètement l’artisan de ces relevés sur le terrain. La seconde est que si le travail de « mise en page » des documents édités avec ces fameux relevés de blocs en illustration, est en principe protégé par un « copyright », le travail nécessaire aux relevés topographiques sur le terrain ne l'est aucunement. Ce qui peut sembler injuste et pourtant, vous pouvez me croire, si chacun des schémas publiés dans les topos, provenait totalement du travail de leurs auteurs, ils auraient investi des centaines d’heures pour les effectuer avec ou sans GPS. Or, même les auteurs les plus sérieux ne peuvent consacrer, même en une année, autant d’heure de présence sur les sites pour faire les relevés qu’ils publient, du fait qu’ils demeurent souvent très loin de nos rochers. Et pourtant, ils sont parvenus à mener à terme leurs ouvrages d'une manière qui satisfait les acquéreurs. (voir à ce propos, l'article : D'où viennent les informations sur les escalades ?
D’où le comparatif et la conclusion de François qui dit en gros que les auteurs de topos se « pompent » les uns des autres et qu’ils font bien puisqu’il leur donne la permission. L’expression pomper n’est pas heureuse, à moins que son intention soit volontairement connotée. Je préfère utiliser les mots, tels que calquer, reproduire, copier, sans ajouter derrière un sous entendu, comme piller, pirater. Les schémas originaux sont comme les informations sur les voies, ils proviennent souvent d’auteur qui n’ont jamais publiés d’ouvrage. Certains de ces passionnés qui nous ont donné des infos de premières mains sur les nouvelles escalades sont même célèbres du fait de leurs publications libres, abondantes et précises. Ces personnes étant principalement, les auteurs des circuits et les ouvreurs de voies nouvelles, dites « hors pistes », et ils sont nombreux. En conclusion, quoi qu'il en paraît, nous sommes très loin de devoir aux fabricants de topos, la matière première de l’information qu’ils publient. Surtout si les auteurs ne sont pas impliqués dans la création et la maintenance du terrain de jeu. (Très peu le sont d’ailleurs). Oui, les premiers informateurs sont les passionnés d'hier et d'aujourd'hui, qui ont donné et qui donnent encore ; et sur lesquels, il faut compter pour mener à bien son topoguide (2). Je le sais mieux que personne étant des deux parties : auteur de topos et engagé sur le terrain (3).
Voici l'exemple d'un brouillon de relevé de blocs effectué sur le terrain qui n'a encore jamais été publié.
(1) Puisqu'on en parle, j'ai décidé de consacrer un chapitre consacré à l'antériorité des schémas sur le Cul de Chien publiés depuis plus de trente ans. Il y a quelques a priori qui ne se vérifie pas dés que l'on augmente la surface comparée au delà de quelques blocs et sur plus de deux documents.
(2) Pour illustrer ce que les topotistes doivent à ces personnes, dans la mesure du possible, nous tacherons sur TopoBleau de mettre en ligne les documents « originaux » sur lesquels figures les relevés de blocs initiaux et les informations sur les escalades que les auteurs ont voulu partager grâce à lui. Sachant toutefois, que certains « auteurs » de topoguides ont su faire évoluer les schémas d'origines au fus et à mesure des publications et des voies nouvelles, si bien qu'entre l'original et l'actuel, c'est un peu comme le jeu des sept erreurs… Mais là encore, cette évolution ne peut se faire que d'après terrain, et pour ça aussi, ce n’est pas une mince affaire de trouver le temps pour suivre la mouvance permanente du terrain de jeu...
(3) Certains personnes influentes pensent qu'être des deux parties corrompt le bénévolat, que les " bénévoles " se doivent tout donner pour en être véritablement un, d'où la consigne de ne pas acquérir les topos de ces derniers et de préférer ceux publiés par des gens qui ne sont pas impliqués sur le terrain : évidemment, je ne souscris pas à cette logique, mes choix étant l'inverse : je préfère ceux des actifs même s'ils sont sobres et réalisés avec des petits moyens).
Là, nous avons l'exemple d'un schéma publié qui a été repris et corrigé des années plus tard en vu d'une nouvelle édition. Les relevés ne sont jamais parfait et on peut imaginer que les auteurs de topos ont effectué de semblables retouches d'une édition à l'autre. Ce qui signifie que calquer ne suffit pas. Le relevé original montré ci-dessus a été effectué par Jean Pillot, relevé que j'ai repris et corrigé à deux reprises avant d'être utilisé dans les deux éditions d'Au grès des Trois Pignons.
Pépito, en 2018